Un regard vaut sans doute mille mots. Celui de Christophe Paviot bien plus que les autres.
Et que dire de sa plume, de ses écrits. Écorchés, fascinés, envoûtés, libérés…
Cet entretien est dans la forme comme dans le fond, une parenthèse dans cette infolettre. Mais quelle parenthèse ! Cette fois (comme il est de coutume dans mes interviews), pas de viso, pas de micro, juste un mail avec quelques questions envoyées. Que je trouve, d’ailleurs, à la relecture, bien fades.
Qu’importe, l’important, c’est la prose !
Et en l’occurrence celle de l’auteur, entre autres, de “traversée dans la région du cœur” chez Stock.
Il se raconte, sans fard, ni censure. En se foutant, éperdument du “quand dira-t-on” ! Et il a bien raison !
Bienvenue dans son monde… attention ça décoiffe !
(crédit photo : Philippe Matsas)
Pour que je puisse vous connaître un peu mieux, puis-je en savoir plus, sur votre parcours personnel (études) et professionnel ? Vos nombreux voyages, vos mille vies ?
Bonjour Seb, je peux vous appeler Seb ? Comme ça vous pouvez m’appeler Chris (sans T, je préfère, c’est plus détendu). Et puisqu’on y est, ce serait aussi plus sympa de se tutoyer, comme si on avait gardé les vaches ensemble.
Alors pour les études, c’est très simple, mon unique diplôme c’est le permis de conduire. Mais si on creuse un peu, j’ai aussi mon brevet de secourisme ainsi que mon brevet de réanimation avec appareils respiratoires (j’ignore si ce dernier examen existe encore, j’avais passé ces épreuves car, à l’époque, je voulais être pompier professionnel, comme mon père, j’avais pas encore coupé le cordon, qui n’est pas forcément rattaché à la mère).
Puis j’avais filé sous les drapeaux, à Saint-Cyr Coetquidan, c’était une bonne expérience, je la recommande, on croise des gens que la vie ne nous permet pas toujours de côtoyer. Là-bas, j’ai fait la rencontre d’un gars, mon Sergent, qui s’appelait et s’appelle toujours Christophe Huchet. Un Rennais, comme moi. Il sortait des Arts Déco à Paris. J’y connaissais rien, ni aux Arts Déco, ni à Paris. Il me voyait dessiner, découper, fabriquer de fausses publicités, peindre mes godasses, les repasser au fer pour fixer la peinture, écrire de la poésie. Il m’observait dans mon temps libre et un jour il m’a annoncé que j’étais plus un publicitaire qu’un pompier.
Il m’a aidé à monter un dossier de pubs fictives, il m’a accompagné, et je suis parti à Paris tandis que lui se lançait dans le packaging, se faisant engager dans une boîte très réputée pour le « pack ». J’ai écumé les agences de publicité, en stage, en faussaire, fabriquant des conventions de stages maison. J’avais recréé un tampon d’école, acheté une boîte d’encre rouge et c’était parti. J’enquillais les agences, j’apprenais, je n’avais aucun talent, seulement mon inconscience et ma vaillance. Je n’avais pas le droit à l’erreur, mes parents, modestes, me payaient un loyer en coloc et de quoi manger (je remontais de Rennes avec des paquets de viande sous blister dans mon sac, les autres voyageurs ne pouvaient imaginer les tonnes de viande que je trimballais sous leurs yeux, j’avais peur d’un déraillement, que tout cela soit découvert, la honte…), mes parents me payaient la Carte Orange aussi, fallait pas se rater.
Puis, en 1992, alors que la loi de Michel Sapin décimait le milieu de la pub, mettant la moitié des effectifs au chômage, j’ai eu la chance d’être engagé dans la plus belle des agences à l’époque, elle s’appelle, elle s’appelait CLM/BBDO, car elle a hélas disparu aujourd’hui. L’un de ses fondateurs, Philippe Michel, reste pour moi le plus grand publicitaire Français. Une intelligence hors-norme, de l’humour, des fulgurances. Un grand Monsieur à qui je pense très souvent. Mort noyé dans sa piscine à Sperone.
Il y a eu des voyages aussi, orientés « windsurf » ma grande passion. Mais ce serait trop long d’aborder tout cela ici. Ce n’est pas le sujet.
Quel est ton rapport à l’écriture ? Je veux dire par là, à quel moment cela s’est installé ? Y a-t-il eu un effet déclencheur ? Une lecture qui a mené à l’écriture ?
L’écriture, c’est quelque chose de tardif chez moi. Je n’y vois aucune sacralisation, je la vis comme une échappée, et un loisir, finalement. Ça a commencé comme ça.
Mon truc c’est plutôt la musique, je ne lisais pas grand-chose en dehors de la poésie classique, très peu de romans, j’ai conservé un certain complexe de ce puits de lacunes, c’est même étonnant que je puisse balancer ça comme ça. Il n’y a aucune arrogance de ma part à dire que je n’ai quasiment rien lu, plutôt de la gêne et de la honte auxquelles je me suis vaguement accoutumé.
Un jour, pendant une grève de la RATP, assis sur un rebord carrelé du quai de métro, je dessinais des croquis de mise-en-page pour m’avancer dans mon boulot, sur un petit carnet. Ma voisine, m’avait demandé si je bossais dans la pub. On avait bavardé, elle était chez DDB, une autre très belle agence. Elle m’avait confié que la véritable source de l’imagination et de la créativité, ce n’était ni la peinture, ni la sculpture, ni le cinéma, ni la musique, rien de tout cela, mais bien la littérature.
J’avais été un peu décontenancé, je ne jurais que par la musique, on était dans les années Suede, Blur, House of Love, Stones Roses, Nirvana, etc… Je passais ma vie dans les salles de concert, et bim, cette femme m’annonce, « Mon p’tit gars, faut que tu lises si tu veux t’en sortir ». Le jour même, je fonçais dans une librairie, et sans conseil, sans comprendre mon geste, je m’offrais les « Raisins de la colère » de Steinbeck (j’en avais vaguement entendu parler).
J’ai commencé à lire, des romans américains, quasi exclusivement. Un jour, le mardi 26 septembre 1995, je file voir Dominique A à la Cigale. Je traîne un peu, je rentre à la maison, un peu bourré. Puis, je décide d’écrire une mini-lettre au courrier des lecteurs des Inrocks. Je suis un abonné de longue date. J’écris une petite blague à propos du concert de Dominique A, et quinze jours plus tard, mon courrier de cinq lignes est publié dans les Inrocks. J’écarquille un peu les yeux, puis je me laisse prendre au jeu, j’entame une série de missives destinées au courrier des lecteurs des Inrocks.
Quasiment toutes sont publiées, j’ai compris ce qui les fait marrer. Puis, je change mon nom, j’emprunte celui des copains, que ça fait aussi marrer d’être ainsi publiés. C’est tellement énorme pour ma bande de potes, le récipient journalistique, pour nous, c’est un truc inatteignable, c’est un autre monde.
Je continue comme ça pendant de nombreux mois. Je travaille dans une nouvelle agence, un peu placardisé, très frustré, en souffrance, je cherche un autre mode d’expression, alors, enfin, je me dis qu’au lieu de faire le con avec des petites lettres aux Inrocks, je devrais plutôt regarder si j’ai un peu le courage d’aller au bout d’un vrai projet d’écriture.
Je me lance sans réfléchir. J’écris donc un premier texte. Craché. Je l’envoie à trois maisons d’édition. Florent Massot (impressionné que j’étais par « Baise-moi » de Virginie Despentes. P.O.L., impressionné par je ne sais plus qui et le Castor Astral, impressionné par un auteur dont j’ai complètement oublié le nom aujourd’hui, pas cool). Tous me refusent poliment mon texte (Florent Massot m’explique dans une longue lettre ce qui déconne dans mon texte, il est trop brouillon, pas assez structuré, mais j’ai fait le plus dur, l’écriture est là.
Je n’en reviens pas, mes yeux se brouillent, y a peut-être moyen de faire quelque chose). Mais soudains P.O.L, m’écrit une seconde lettre pour me dire qu’il s’agit d’une erreur, mon texte est retenu, il passe au crible d’une seconde lecture. Je découvre alors que derrière ce sigle « P.O.L. » se dissimule le nom de Paul Otchakovsky-Laurens.
Je ne connais rien ni personne dans ce milieu de l’édition. Je reçois une troisième lettre de P.O.L, dans laquelle ce Monsieur m’explique pourquoi il ne publiera finalement pas mon texte. Ses remarques rejoignent celles de Florent Massot, quasiment mot pour mot.
Je me remets au travail. Ce n’est pas vraiment du travail, plutôt un cri, une libération. Je renvoie mon nouveau texte (construit sur la base du précédent, mais enrichi d’une nouvelle histoire dans l’histoire, et surtout plus structuré). Je l’envoie à treize éditeurs que je trouve en nombre sur mes étagères, sur les piles qui montent de mes tomettes comme des gratte-ciels.
Et le premier à réagir, c’est un homme qui s’appelle Pierre Astier. Je suis en studio pour l’étalonnage d’un film de pub (la correction des couleurs du film), le lendemain je m’envole pour les grands parcs de l’Utah et de la Californie. Je suis en vacances dans quelques heures. Par précaution, je laisse le numéro du studio où je dois me rendre avant de quitter l’agence, la personne de l’accueil fait gentiment suivre l’appel.
Et ça sonne dans le studio. « Bonjour, c’est Pierre Astier… » Jamais entendu ce nom là. « Je suis l’éditeur du serpent-à-plumes (j’adore le Serpent-à-plumes, y a des auteurs du monde entier, c’est ouvert, curieux).
Il continue, et prononce la phrase magique « Je souhaiterais vous rencontrer afin de vous publier ». GLOUPS. Je lui annonce que je m’envole le lendemain midi pour les États-Unis. Il me donne rendez-vous le lendemain à 8H30, dans son bureau au 20, rue des Petits-Champs. Je m’en souviens comme si c’était y a cinq minutes. J’ai pas de titre, je ne dors pas de la nuit, trop excité, je trouve un titre dans l’obscurité et je le lui propose le lendemain matin, ça s’appellera « Les villes sont trop petites », il est ok.
C’est parti. Pierre Astier me tend un contrat que je signe sans vraiment le lire, m’en fous, c’est complètement dingue, improbable. Depuis ce jour, Pierre tient une grande place entre mes oreillettes et mes ventricules. Il est le deuxième homme, après Christophe Huchet, à avoir changé le cours de ma vie (il y en a eu un troisième, bien plus tôt dans ma vie, mais lui c’est un criminel qui aurait pu être jeté en prison, mais je me suis occupé de lui par la suite, dans mon second roman, « Le ciel n’aime pas le bleu », toujours au Serpent-à-Plumes).
Bref, je m’envole pour les US, et je vais de crise d’angoisse en crise d’angoisse. J’ai pour la première fois le mal du pays, je me revois, assis sur un tas de linge, dans la buanderie d’un motel pourri de Bakersfield, je ne peux plus avancer, ni même prendre le volant, je flippe de vivre un crash avec l’avion du retour et donc de ne jamais vivre la sortie de ce premier texte. Bon, finalement, le long-courrier me ramène à Paris et sautille sur ses grosses bombonnes renflées d’air.
J’ai donné beaucoup de détails, c’est vrai, mais comme c’est la première fois en vingt ans qu’on m’interroge là-dessus, ben, j’en profite !
Quelles sont tes inspirations qui peuvent te mener à l’écriture ? Un ouvrage ?
Aujourd’hui, le moteur de l’écriture, c’est un alliage entre un désir fou de liberté et une frustration liée à mon métier. Je n’ai pas eu une carrière rêvée dans la publicité. Un jour on nous a engagés avec Chiaff, le surnom de mon binôme (on bosse en équipe de deux dans la pub) en nous disant “ Vous avez fait le Vietnam, alors je vous engage pour que vous continuiez le Vietnam."
En gros, je vais vous mettre sur des sujets difficiles et peu créatifs, vous allez en chier, vous allez m’être utile, c’est ok ? » On a répondu « Ok, mais on renégocie le truc ». Il était trop tard. Le gars (un grand directeur de création, toujours en activité) avait même ajouté, « Sachez une chose, vous ne serez jamais augmentés ». Il nous a dit ça il y a un peu plus de douze ans, et il avait raison. Un putain de visionnaire.
Donc mon inspiration principale, c’est la rage et la frustration de ne pas me réaliser comme je l’avais rêvé, dans mon métier (pas assez talentueux, pas assez politique, pas assez chanceux, un mélange de trucs comme ça). Et puis on dit souvent que la pub c’est un des rares métiers dans lequel on te demande systématiquement de faire moins bien. Alors tu mets pas mal d’idées à la poubelle, faut s’y faire. On s’y fait très bien. Tu aimes toujours ça, tu te bats toujours avec autant d’envie, et tu as zéro égo, on l’a malaxé dans la broyeuse du système, et c’est pas plus mal.
Tu bosses sans être résigné, l’espoir est toujours là, mais c’est finalement plus simple de s’épancher à travers un loisir, et mon loisir à moi, c’est l’écriture. Quelle marrade. On te laisse imprimer des trucs inimaginables, c’est ça qui est excitant. À chaque sortie, j’hallucine comme au premier jour, je ne crois toujours pas cette idée, d’être publié. Ça reste irréel pour moi.
Quand je découvre un de mes textes sur une table de libraire, je me sens complètement déconnecté du nom imprimé sur la couverture. Ce n’est pas moi. C’est impossible. Je ne m’y ferai jamais. En plus de la rage, et de la frustration, ce qui me guide, m’inspire, c’est la liberté que procure l’écriture. On peut partir n’importe où, personne ne t’arrête. Il n’y a pas un client pour te dire que c’est trop osé, ou sale.
Tu peux y aller. C’est un chouette moment, à chaque fois. Cette liberté dépasse tout. Même la misère de l’actualité. Je sais qu’on va dans le mur, on y est presque, j’ai hâte de voir quelle espèce remplacera l’hégémonie, la domination des humains sur cette planète, mais au fond, je m’en fous que les bernard- l’ermite l’emportent ou non, j’avance, je suis libre. C’est un loisir égoïste, l’écriture.
Quels sont tes inspirants ou tes inspirantes ? J’entends, des personnes qui te guident ou te font avancer. Par leurs actes, leurs visions, leurs savoir-faire, leurs idées…
J’ignore s’il y a des gens qui m’inspirent. Des musiciens peut-être ? Oui, des musiciens. Mais pas des écrivains, c’est sûr. Je ne me suis jamais comparé aux écrivains, inspiré d’eux. Je ne me suis jamais considéré comme un écrivain, je ne me considérerai jamais comme tel.
Le mot est trop fort, trop grand, trop beau. Je laisse ça aux autres. Il faut sans doute avoir une sacrée confiance en soi pour se dire, se penser écrivain, ça me paraît complètement dingue d’arriver à cette conclusion dans sa propre petite cervelle. Même quand ce sont les autres qui le prétendent, qui me mettent en joue après m’avoir aligné au poteau de l’écrivain, c’est insoutenable, je n’y crois pas. On se prend le syndrome de l’escroc dans la tronche, ou dans le foie ? C’est sûr, pour s’imaginer un truc comme ça, faut sans doute avoir une putain de foi.
Pour moi, un écrivain, c’est quelqu’un qui ne termine pas ses phrases. Quand l’être aimé l’appelle (sa femme, son homme, son enfant ou son chien), il pose son stylo, et accourt vers cet être, sans crainte. Il sait que tout est là, en lui, et dès qu’il reviendra s’asseoir à sa chaise, le flux des mots s’écoulera comme s’il ne s’était jamais arrêté.
En ce qui me concerne, je termine mes phrases. Avant de me lever de ma chaise, je préfère allonger les quelques mots qui m’attendent, j’ai trop peur de les perdre pour toujours. C’est ça la différence entre l’écrivain et les autres, la certitude d’avoir tout en soi, contre la peur de perdre ce qu’on a en soi. Je les admire principalement pour cette raison.
Les gens qui me guident ? Je ne sais pas trop. J’ai juste envie d’être libre et égoïste (un peu).
Es-tu ritualisé ? Des temps d’écriture sont-ils dédiés chaque jour ? Ou alors tout est improvisation ?
Non, pas de rituel. Je ne sais même pas trop quand j’écris, ma femme non plus d’ailleurs. Quand je lui annonce que j’ai terminé un texte, elle me demande, mais tu l’as écrit quand ? Je suis presque incapable de lui répondre. Certes parfois je ne l’accompagne pas avec notre fille dans la ville, je reste sur ma petite table. Mais c’est assez rare en fait.
Est-ce que je bosse le soir, tard ? Oui parfois. Très tôt le matin ? Parfois aussi. La seule chose dont je sois certain, c’est que l’écriture est comme un barrage. Tu laisses l’eau monter, ça monte, ça monte, ça coulisse contre la masse de béton, la pression devient intenable, et juste avant que ça ne déborde, d’un coup, tu ouvres les vannes. Et ça s’écoule à gros bouillons, ça fume. Mais parfois faut faire gaffe, c’est de la merde fumante.
En générale, je repère vite cette odeur, et je referme aussitôt les vannes, en songeant à m’y remettre plus tard. Mais pour ça, faut laisser l’eau monter à nouveau. Ça peut prendre du temps, quelques jours ou semaines. Mais quand ça sort, faut se ranger, c’est pas le moment de jeter un kayakiste là-dedans.
Bien sûr, nous ne pouvons pas écrire, sans lire. Aurais-tu un ouvrage ou plusieurs à nous laisser qui, pour toi, a changé ta façon d’écrire ? Ou pour aller plus loin, un livre qui a pu changer ta vie ?
Il y a quelques ouvrages qui m’ont bien secoué et qui me secouent encore. Je pense immédiatement à « Rosie Carpe » de Marie Ndiaye, « Le dernier monde » de Céline Minard, « Histoire d’amour » de Régis Jauffret, « Le garçon » de Richard Morgiève (j’aime beaucoup Richard Morgiève, je serai bien triste quand il partira, je le lui ai déjà dit). « King Kong Théorie » de Virginie Despentes, « Le démon » d’Hubert Selby, « Le jardin de sable » d’Earl Thompson, un mec du Kansas. Je crois que Earl Thompson est mon auteur préféré, entre tous.
Je me demande souvent ce qu’il écrirait s’il était encore vivant. Quel mec. Son « Jardin de sable » est dingue et magnifique. Il a vécu un peu en France. Il est parti avant d’avoir tout dit. Quelle tristesse.
Quelle place à, le Windsurf dans ta vie ? Cela aide-t-il à l’inspiration, à l’écriture ?
Ah, le windsurf. Ma grande passion, un sport bien ringard, aujourd’hui, ça c’est mon truc. J’ai découvert le windsurf à 14/15 ans, vers 1981. Cette nouvelle forme de glisse était alors à son apogée, ça avait démarré du côté de Marina Del Rey à L.A., puis ça s’était développé très fort du côté de Maui (Hawaii).
Mes héros s’appelaient Robby Naish, Pete Cabrinha, Patrice Belbeoc’h et surtout Angus Chater, un Anglais exilé à Maui, vivant près de la plage de Hookipa, la fameuse. Angus Chater s’est suicidé face au Pacifique, en reliant le pot d’échappement de sa bagnole à l’habitacle. Tué par un tuyau. Une histoire d’amour, une déception. Là encore, quelle tristesse.
Angus était le premier à faire des photos embarquées, il fixait un objectif à son mât et reliait le déclencheur à son wishbone. Je lui ai dédié mon premier recueil de nouvelles « Missiles. Et souvenirs cardiaques » (toujours au Serpent-à-plumes, encore merci Pierre).
Pour revenir à Angus Chater, un jour j’avais même entrepris de réaliser une planche custom en recopiant un de ses modèles. Bon, j’ai fini la planche mais je n’ai pas poursuivi cette expérience, je suis totalement allergique à la résine époxy. Je m’étais mis à gonfler du visage en plein cours de maths, une tête de pastèque avec des yeux écrabouillés. J’étais rentré chez moi, le col relevé (comme si ça pouvait dissimuler cette tête), par le train, je vivais dans un lotissement de banlieue mais j’étais au lycée à Rennes, à Zola, en même temps que Caryl Férey, c’est marrant de voir nos trajectoires.
Lui il a un lectorat. Pas moi. On ne se connaissait pas, je me souviens de lui au milieu de la cours des colonnes, il frimait un peu, il devait se prendre pour Billy Idol ou Stiv Bators, un truc comme ça, je pense qu’il était plutôt sympa, beaucoup de mecs étaient fascinés par sa grande gueule, moi je traînais plutôt avec les taiseux, les losers.
Loser, ça c’est un bon mot pour terminer un entretien comme celui-ci !
Merci beaucoup Chris d’avoir pris le temps.
Merci Seb.
Génial ces réponses râpeuses et à fleur de peau 💙